Bienvenida a San Diego !
Tiens, de l’espagnol… Où sommes-nous donc ? Voici la première chose qui nous a frappées en arrivant à San Diego : l’influence du Mexique, omniprésente ! Des panneaux de signalisations et des stations de tramway en espagnol, des épiceries mexicaines à tous les coins de rue, etc … la liste est longue !
San Diego, point de départ de notre voyage, est pour nous la ville des découvertes… Et de toutes les adaptations : adaptation au jetlag (décalage horaire pour les non bilingues), adaptation à la langue, adaptation à nos magnifiques vélos … Et en matière d’agriculture urbaine, c’est tout un panel de possibles qui s’ouvre à nous, et bientôt à vous aussi ! Alors on a essayé de vous décrire ici les différents types de fermes que nous avons découverts.
Les fermes éducatives
Wild willow farm : une première rencontre de charme
Nous avons plongé au cœur du sujet dès le lendemain matin de notre arrivée. Un départ plutôt musclé puisque nous avons pédalé 25km sur nos nouveaux bolides : The Killer pour Mathilde et La Filée pour Audrey (il faudra attendre plus d’un article pour connaître l’origine de leurs jolis noms) pour rejoindre notre première ferme urbaine : Wild Willow Farm . Il s’agit de la ferme la plus au Sud et à l’Ouest des Etats-Unis, à la frontière mexicaine. Nous découvrons alors un premier type de ferme urbaine : ֍ La ferme éducative.
«That’s my baby, and we’re not paid to grow a baby» Voilà comment Mel considère sa ferme. Cultiver chaque jour sa terre est pour lui tout simplement un bonheur, mais plus encore, ce qui l’anime est la transmission des savoir-faire concernant la production de ce que nous mangeons, aux enfants, aux jeunes adultes, aux personnes retraitées, bref , à tous ! Il en va pour lui de notre santé et de la pérennité de nos terres.
Alors que fait-il pour partager son savoir ? Et bien la transmission prend plusieurs formes:
-Des sessions de six semaines de deux cours par semaine où il apprend aux personnes de tous âges (mais il le dit, majoritairement ceux sortis de l’université) les bases générales de ce que doit savoir un propriétaire de ferme: cours théoriques sur les graines, maladies, familles de plantes, les dessous de la production …
-Des cours annexes plus spécialisés sur certains aspects. Notre cours préféré ? Apprendre à faire du fromage avec le lait d’une de ses chèvres !
-Et enfin, il propose des ateliers tous les week-ends sur des sujets variés. Des enseignants viennent de fermes aux alentours pour donner les cours (il y a même du yoga tous les mercredis pour ceux qui préfèrent la méditation aux plantations…).
Evidemment, il n’est pas seul : de nombreux volontaires sont là pour l’aider ! Et la solidarité inter-fermes est très présente, personne ne ferait rien sans les autres. C’est là quelque chose de très appréciable dans ce monde de l’agriculture urbaine, que nous avons très vite remarqué.
Les fermes productives
La ferme productive Aqua Dulce : Zéro déchet
Nous avons bien vu cette entraide lorsque nous avons visité la ferme de Paul, le professeur de l’un des cours donné chez Mel. Lui aussi a décidé de se lancer dans l’agriculture urbaine avec trois autres personnes. Dans cette ferme, même si l’éducation est aussi un peu présente avec une activité annuelle ludique pour des enfants, la production reste l’objectif principal. Il s’agit bien d’une ֍ Ferme productive.
Agua Dulce est plus petite que Wild Willow Farm : elle s’étend sur 2 000m² avec 1000m² en culture contre 22 000m² dont 8 000m² productif pour Wild Willow Farm. Mais, comme souvent, ce n’est pas la taille qui compte !
Beth, une des autres fondatrices d’Agua dulce, nous explique les clés de la production. Comme l’ensemble des agriculteurs rencontrés, sans exception, ils travaillent de manière entièrement biologique, sans utiliser aucun pesticide ou produit toxique hormis l’utilisation naturelle en spray d’un Worm Tea fait maison avec le lombricompost. Ce spray permet de déranger les petits insectes qui auraient dans l’idée de se faire un festin avec les légumes !
Pour l’engrais, rien de mieux qu’un bon compost! Fait maison lorsque c’est possible, ou récupéré gratuitement (vive l’entraide encore une fois) chez de nombreux organismes : il suffit de bien chercher !
Le top du top ? Travailler en “circuit fermé”, c’est à dire que les déchets de l’un deviennent l’alimentation de l’autre. Et pour ça de nombreuses fermes l’ont compris: la solution c’est d’avoir un poulailler ! Elles se régalent avec tous les restes végétaux, produisent des œufs et leurs excréments sont incroyablement riches et donc parfaits à intégrer dans le compost !
Une production pour quelle destination ?
Maintenant en matière de production: Mais où va donc tout ça ?
Les Paniers bios, toujours écoulés avec brio
C’est là que la création du système de paniers bio est une aubaine pour les agriculteurs urbains: le CSA de son petit nom américain (On rappelle qu’en France ça s’appelle l’AMAP). Certains fonctionnent avec des abonnements sur plusieurs semaines, comme par exemple le programme Second Chance que nous allons voir, d’autre sont plus flexibles comme chez Agua Dulce. Le prix d’un panier ? 20 $ pour une cagette remplie, ce qui est très raisonnable !
Les restaurants : pour vendre du local aux gourmands
La vente aux restaurants est aussi une manière très courante d’écouler la production: Les chefs raffolent des herbes fraîches et locales, ainsi que des fleurs comestibles pour décorer leur plats. Agua Dulce vend à deux restaurants.
Le marché pour le contact et la proximité
Le marché reste une voie d’écoulement contraignante : elle exige du temps et le respect de normes contraignantes. Pour ces raisons, Agua Dulce n’en fait pas.
Néanmoins, certains écoulent une part non négligeable de leur production par ce biais, comme Steven, propriétaire de la ferme Nature Always Right, pour qui le marché représente approximativement les ¾ des ventes de sa ferme urbaine.
Nature always right : Produire en écoutant la nature
« I try to create an ecosystem here, to achieve a balance where every specy has a place. Pesticides stops the life circle ; one rule : Nature has always right ! » Steven est un amoureux de la nature : il est passionné par la beauté du cycle de la vie. Lassé par le rythme boulot dodo avec un job qui l’ennuyait au possible, il a décidé de se lancer. “Nos doutes sont l’unique barrière à nos projets” affirme-t-il. Et quelle réussite !
Une réussite d’autant plus incroyable qu’il n’avait aucun bagage agricole. Il a tout appris sur internet via des cours en ligne, des vidéos, des articles et quelques conseils d’amis. Après avoir tâtonné et s’être initié dans une première ferme, il a construit la sienne dans son jardin !
Et à quoi cela ressemble t’il ? Comme dans toutes les autres fermes visitées, à des planches permanentes, non bâchées.
Steven a focalisé la vente de sa production sur le marché local: il a dû pour cela faire une demande auprès du Département d’Agriculture pour qu’une personne vienne chaque année vérifier que c’est bien lui qui produit les fruits et légumes qu’il vend. Il n’est pas certifié agriculture biologique.
Le stand sur la ferme : vendre selon ses termes
Le marché c’est bien, mais ça demande de se déplacer, et le temps c’est de l’argent… Alors certains trouvent des solutions alternatives : Le stand sur la ferme ! C’est ce que fait Second Chance, en plus de son système de paniers, et cela présente un double avantage…. car voilà notre troisième type de ferme : ֍ La ferme de réinsertion.
La ferme qui donne une Second chance
Tout le monde a droit à une deuxième chance. Il peut arriver à chacun d’entre nous de déraper, mais être sur le bord de la route toute sa vie pour un dérapage est une sanction un peu lourde non ? Voilà en tout cas ce que pense Olivier, salarié chez Second Chance. Cet organisme permet aux jeunes entre 14 et 21 ans de se réintégrer à la société en sortant de prison. Il offre un nouveau départ à ces jeunes en leur apprenant ce qu’est le monde du travail, comment faire un CV, une lettre de motivation, passer des entretiens …
Et pour cela, le jardin est un élément clé : Un vrai travail, payé, avec des horaires, des déplacements (car il y a deux parcelles à deux endroits différents), ce qui apprend la ponctualité, et enfin il y a le stand : Apprendre à vendre, à gérer de l’argent, le contact avec le client. Au total, six semaines avec entre six à huit heures par semaine, pour un revenu de 50 dollars par semaine (ce qui n’est pas négligeable, en particulier pour des mineurs qui peuvent difficilement gagner de l’argent), et un accompagnement pour trouver un boulot.
Les jardins communautaires
Nous avons parlé des différentes méthodes de vente des productions. Mais toutes les fermes urbaines ne vendent pas leur production (Il est à noter que presque toutes, pour ne pas dire toutes, donnent une partie aux volontaires qui les aident et sans qui rien ne serait possible). Certaines fermes urbaines existent uniquement pour nourrir des familles ; C’est par exemple le cas des ֍ Jardins communautaires.
Nous avons eu la chance d’en visiter plusieurs. Certains, incroyablement grands et variés et au sein desquels chaque famille s’amuse à ce que sa parcelle soit plus belle et originale que celle du voisin, ont des fonctions plutôt récréatives. C’est le cas pour Tijuana Community Garden. D’autres, moins centrés sur l’esthétique, ont pour but premier de nourrir les familles, voire de dégager un revenu par la vente de légumes au marché. C’est le cas pour New Roots Community Farm. Cet espace géré par ISS donne des terres aux réfugiés pour leur permettre de cultiver, pour eux ou pour vendre au marché.
Les légumes c’est chouette… Mais d’où viennent leurs graines ?
Depuis le début nous ne parlons que de la production de fruits et légumes, mais d’où viennent les graines ? Nous abordons là un point clé !
Un gros avantage de l’agriculture urbaine est de produire des fruits et légumes frais au goût totalement différent, vraiment exquis (on a testé, on s’est régalées, merci beaucoup !). Et au niveau de l’impact carbone, là aussi, rien à voir (le sujet est néanmoins délicat et nous reviendrons sur ce point dans un autre article).
La majorité des fermes achètent leurs graines sur internet : certains préfèrent acheter à des entreprises locales, tout simplement car les plantes seront déjà adaptées au climat. D’autres ne font pas particulièrement attention à la provenance : le prix passe avant tout car il est très difficile d’être viable économiquement ; il faut bien faire des économies quelque part !
C’est pourquoi Brijette s’est lancée, après avoir découvert cette faille concernant le manque d’entreprises locales produisant des graines.
San Diego Seeds Company : Une banque de graine à San Diego
« The sound of the highway just down the house ? For me it’s like hearing the ocean » C’est en effet en plein cœur de la ville que Brijette a démarré sa ferme, dans son jardin. Elle a monté San Diego Seed Company avec son partenaire dans le but de recréer une banque de graines à San Diego; des plantes locales, adaptées au climat, non OGM et biologiques.
Leur maison est devenue leur entreprise : ils cultivent sur place les plantes desquelles ils récupèrent les graines grâce à des machines automatiques qui les secouent et les nettoient, dans leur garage. Ils sèchent ensuite les graines et les conservent en sachets individuels dans leur bureau. Enfin ils les vendent dans des pépinières locales, sur leur site internet ou à des particuliers. Nous avons d’ailleurs nous-mêmes retrouvé leurs graines dans l’une des pépinières visitées ultérieurement !
La bataille du foncier
San Diego est très différente des villes françaises. Ce qu’on remarque d’autant plus lorsqu’on débarque tout juste !
Alors on vous donne quelques chiffre histoire de se faire une idée : 1,4 million d’habitants, superficie de 964 km², ce qui fait Mesdames et Messieurs une densité de 1 400 habitants par km². Maintenant comparons avec Paris : 2,2 millions d’habitants, superficie 105.4 km², soit une densité de 21 067 habitants par km². Vous avez donc compris où l’on veut en venir : San Diego est une ville très étalée ! Néanmoins, comme toutes les villes de la côte ouest américaine, le foncier est rare et cher. Ainsi les fermes urbaines se sont débrouillées différemment pour acquérir du terrain :
-Grâce à des intérêts partagés : utiliser le terrain d’un parc protégé mais y apporter une ferme esthétique qui interagit avec la communauté avec des ateliers et des cours comme Wild Willow Farm. Ou utiliser le terrain inexploité d’un camping en échange de fruits et légumes pour le restaurant et des activités pour les enfants du camping (concours de citrouilles d’Halloween) comme Agua Dulce.
-En cultivant dans leur propre jardin (Nature Always Right / San Diego Seeds Company).
-Enfin en étant l’outil d’un organisme plus grand (comme Second Chance).
Les fermes hydroponiques
SoCal Farm et ses colonnes productives : une solution au manque d’espace
Produire facilement, rapidement, et surtout en utilisant le moins d’espace et de ressources possible; voilà ce que la Tower Garden de SoCal Farm cherche à faire. Paul et Jo, les deux fondateurs de cette petite entreprise nous ont expliqué le fonctionnement de ce qui est notre quatrième type de ferme : ֍ La ferme hydroponique.
Il est assez délicat de faire une catégorie à part, car l’hydroponie est tout bêtement un système de production qui n’utilise pas de terre, soit du “hors sol”. Mais attention ! “Hors sol” ne veut pas dire “hors terre”, mais seulement non planté directement dans le sol. Et oui ! Car des bacs dans lesquels des légumes sont cultivés en terre s’appellent aussi un système hors sol. Nuance nuance …. Ces fermes hydroponiques font partie des fermes dites “productives”, mais nous les séparons ici car leur fonctionnement est très particulier et différent.
La tour de SoCal Farm est donc un système de production en hydroponie. Des modules, grandes colonnes verticales réalisées dans un plastique particulier pour ne pas contaminer les légumes, comportent des encoches accueillant les pousses.
Mais comment poussent des légumes sans terre ? Et comment tiennent-ils sur les modules ?
Pour comprendre, il faut revenir sur les bases de la biologie végétale : Pour qu’une plante pousse il lui faut trois ingrédients: Du soleil pour réaliser sa photosynthèse, de l’eau, et des nutriments (Si vous voulez en savoir plus, on vous conseille notre très cher Dunod ; la Biologie Tout en un de BCPST). Au stade de graine, l’eau seulement est nécessaire. Puis la plantule se développe et la terre est le support de son développement : elle va stocker et mettre à disposition deux éléments essentiels : l’eau et les nutriments ; et ce dans un milieu oxygéné. Chez SoCal Farm, la germination des graines se fait sur un bloc de mousse humide, faite en laine de roche (et oui il lui faut tout de même un support). La plantule est ensuite disposée dans l’une des encoches du module. L’eau et les nutriments lui sont directement apportés grâce à un système “fermé”d’arrosage : Les besoins en nutriments des plantes sont calculés: afin de préparer une solution eau/traitement optimale pour leur assurer une bonne santé et une bonne croissance. Cette solution est pompée et acheminée vers les modules via un système de tuyau puis coule le long des parois de ces modules, humidifiant ainsi les racines des plantules s’y trouvant. Chaque plantule prélève alors ce dont elle a besoin. Enfin la solution non prélevée retourne en bac où elle est ré-enrichie en minéraux avant d’être envoyée de nouveau vers les modules.
Mais chez SoCal Farm, ce ne sont pas uniquement des producteurs ! Ils s’occupent de développer ces colonnes mais n’en gardent qu’une vingtaine chez eux comme moyen de démonstration et d’expérience. Ils travaillent essentiellement pour une entreprise en amont : Juice +. Celle ci conçoit ces colonnes, et SoCal Farm assure l’intermédiaire avec les consommateurs (principalement des particuliers et des restaurants).
La Ferme hydroponique est toujours “productive”, mais deux cas se distinguent ;
-Celle à but lucratif comme c’est le cas pour SoCal Farm,
-Et celle à but non lucratif comme nous allons le voir avec Urban Growth.
Urban Growth : garantir l’accessibilité aux produits frais
Acheter des fruits et légumes frais et sans pesticides est aujourd’hui un privilège en raison des coûts élevés, alors que des produits transformés, venant de l’autre bout du monde, ne nous coûtent presque rien : What’s a pity !
La ferme Urban Growth veut inverser cette tendance, en permettant à des personnes démunies d’avoir accès gratuitement à des fruits et légumes bio poussant juste au-dessus de leur tête ! Au moyen de modules hydroponiques installés sur les toits où poussent salades, choux, pois … Ils travaillent aujourd’hui bénévolement. Toute la production est distribuée aux habitants d’un immeuble de 220 appartements, dont l’ensemble des locataires sont sans revenus.
Chaque ferme visitée nous a demandé au moins une heure de pédalage (et ce n’est pas tout plat ! Nos muscles fessiers et nos cuisses pourront confirmer !), et nous a bien préparées au voyage : car il est temps pour le Killer et La Filée de pédaler vers d’autres contrées … Direction Los Angeles, à quelques 300 km de là! Le voyage à vélo commence réellement !
A bientôt !
Bravo les filles! En plus vous écrivez bien!