S’il y a bien une ville à côté de laquelle on ne pouvait pas passer pour étudier l’agriculture urbaine canadienne, c’était Montréal. Cette agglomération franco(un pitit peu anglo- aussi)phone coincée sur une île entre le fleuve Saint-Laurent et la rivière des prairies est très souvent citée comme un exemple en matière d’urban farming. Du coup on a vraiment plein de trucs à dire, et pour ne pas vous assommer d’un coup avec tout ça, on a décidé de vous livrer tout ça en deux fournées, et voici la première!
Tu l’as-tu-vu l’agriculture urbaine à Montréal?
Bon alors, avant d’arriver dans cette jolie ville Québecoise, on s’est préparé comme on a pu et croyez-nous, ça n’a pas été facile d’organiser notre visite au mieux. Pourquoi? Parce qu’on a vraiment été confrontés à ce qu’on appelle « l’embarras du choix ».
Capture d’écran de la carte de l’agriculture urbaine à Montréal fournie par agriculturemontreal.com
Eh ouais, c’est plutôt impressionnant tout ça! Autre statistique non moins impressionante: près de 40% de la population montréalaise pratiquerait activement de l’agriculture urbaine à petite ou grande échelle.
Parmi toutes ces activités agri-urbaines, on a eu la chance de rencontrer une grande diversité d’acteurs et pour ne pas vous perdre, on a décidé de les « ranger » en deux catégories. Et on commence tout de suite par les projets associatifs et institutionnels!
Agriculture urbaine et solidarité : l’association Alternatives
Alternatives est une association à but non-lucratif basée à Montréal dont le but est d’œuvrer « pour la justice et l’équité au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde. » Vaste programme nous direz-vous, mais dans une volonté de faire le bien aussi large, l’association a aussi trouvé de la place pour s’occuper de projets liés à l’agriculture urbaine,et ça, ça nous intéresse!
On apprend donc que ça fait 13 ans qu’alternatives travaille pour promouvoir l’agriculture urbaine et ce en mettant en place pas moins de 30 jardins au Québec et pas loin d’une centaine en tout à l’international. Tout récemment ils ont organisé une « foire » de l’agriculture urbaine : Cultiver Montréal qui a remporté un franc succès et sera peut-être reconduite l’année prochaine.
Les projets soutenus par l’association ont souvent beaucoup de visibilité, ce qui a l’avantage d’encourager la naissance de nouveaux projets similaires qui hésitaient encore à se lancer. Mais l’association tente aussi de ne pas trop favoriser ces projets pour éviter qu’ils ne monopolisent les ressources financières. Un équilibre difficile à trouver mais qui est nécessaire au maintien de cette dynamique dont l’agriculture urbaine fait preuve.
Côté finances, l’association répond souvent à des appels à projets lancés par la ville de Montréal, son principal financeur. Pour obtenir du soutien, il est souvent nécessaire de jongler avec les courants politiques à la mode et déévoquer les avantages en termes de sécurité alimentaire, de réduction des ilots de chaleurs urbain ou d’amélioration de la biodiversité en ville (qui est d’ailleurs moins « populaire » en ce moment et n’est, semble-t-il, pas le meilleur argument pour obtenir des subventions).
Enfin, une chose importante sur laquelle Alternatives insiste dans les actions qu’elle mène est l’éducation des communautés pour le maintien des jardins urbains sur le long terme. On l’a souvent mentionné, en agriculture urbaine, l’essentiel pour que ça marche et que ça dure, c’est que les gens s’impliquent et animent le jardin de façon dynamique, l’association essaie donc de tout faire pour que les projets qu’elle soutient gagnent en autonomie et perdurent le plus longtemps possible.
Le Santropol Roulant :
Il y a plus de 30 ans, soucieux de maintenir l’âme du quartier dans lequel il habite et de ne pas le laisser aux mains des promoteurs immobiliers, un montréalais décide d’ouvrir un lieu de vie pour dissuader toute mesure de démolitions : le café Santropol est né, et avec lui, un bon nombre d’initiatives solidaires dont beaucoup de montréalais bénéficient encore aujourdhui.
« Santropol » d’ailleurs, ce mot est un peu déroutant non? La première fois qu’on l’a entendu, on avait même compris « Le centre Paul Rouland » (du célèbre Paul Rouland de Montréal que tout le monde connait) Bref, on a fini par apprendre que ce nom n’est rien d’autre qu’une faute dyslexique faite au moment de la création du café, qui aurait dû s’appeler « Café Sébastopol ». Au final, de cette erreur, c’est un nom unique, avec sa propre personnalité et sa propre histoire auquel on a affaire, et ça, c’est plutôt cool.
Bon, à part une histoire de café, qu’est ce qui se passe en ce moment au Santropol? Eh bien un bon gros paquet de choses! L’activité principale de l’association consiste à livrer des repas chaud, sains et équilibrés à des personnes en perte de mobilité dans Montréal. En gros, c’est une centaine de repas qui sont distribués chaque jours à des tarifs très avantageux (4,50CA$, soit 2,92eu environ par repas livré à la porte avec un petit bout de conversation et de réconfort en prime).
Pour que tout roule au Santropol, l’association a une belle fournée de partenaires, un système de vente de paniers de légumes duquel elle dégage des revenus pour ses actions, un tas de personnes souriantes et motivées qui y travaillent et une flopée de bénévoles qui appuient le tout. Si ça n’est pas un exemple en terme d’autonomie financière d’après nous, ce qui s’y passe reste plutôt impressionnant et on retiendra que c’est en revanche un bel exemple de structure qui crée du lien entre vieux et jeunes au travers de la bouffe et du jardinage.
Ah oui, et en parlant de jardinage, bien évidemment, si on vous parle de tout ça, c’est parce que le Santropol a maintenant pas moins de 3 jardins urbains à travers la ville, on est allé voir le jardin démonstratif sur le toit de leur QG, et il est franchement classe :
Bien entendu, les produits des jardins urbains sont revalorisés au maximum pour alimenter la popote roulante du Santropol, les paniers de légumes ou un peu de vente directe dans leur QG.
Bref, on vous en a dit pas mal, mais si vous voulez en savoir plus, rendez-vous sur leur site internet qui fait peau neuve en ce moment : santropolroulant.org/fr/
Un potager sur toit, du miel et du houblon!
Grâce à Maxime, nous avons eu la chance de visiter le toit du Palais des Congrès de Montréal qui abrite un potager sur toit de 650 m². Le projet du nom de Culti-Vert lancé en 2011 était d’abord destiné à alimenter les cuisines du traiteur du palais de congrès et une partie des récoltes est donnée à des associations du quartier. L’année suivante, des bacs de cultures ont été ajoutés pour créer le potager des employés. Une vingtaine d’entre eux peuvent ainsi venir s’initier à l’agriculture urbaine et est formée par un professionnel.
Trois ruches ont aussi été installées en collaboration avec Miel Montréal, une association qui promeut l’apiculture urbaine. Elles produisent environ 60 kg de miel au cours de l’été. Maxime fait également parti de l’association et nous explique qu’elle propose tout un tas de services pour permettre au montréalais de pratiquer l’apiculture urbaine. En plus de ça, plusieurs projets de plantation de plantes mellifères sont en phase de test pour s’assurer de maintenir une bonne ressource pour les abeilles urbaines.
Enfin, on a pu discuter des programmes menés par Montréal Houblonnière qui promeut la plantation de houblon dans la ville pour faire une bière ultra-locale presque 100% montréalaise. Cette année, c’est près de 500 pieds de houblon qui ont été plantés dans toute la ville! Soucieux de continuer dans cette lancée sans avoir trop de problèmes, l’association essaie de garder à jour un recensement des pieds de houblon dans la ville pour éviter des épidémies de maladies.
On apprend également que le houblon est une plante très efficace pour lutter contre le phénomène d‘ilot de chaleur urbain, encore une bonne raison de se dire que boire de la bière c’est la meilleur chose à faire pour sauver le monde!
Le CRAPAUD et les projets de l’UQAM
A l’Université du Québec à Montréal (UQAM), apparemment on aime bien les acronymes rigolos, du coup ils ont créé le Collectif de Recherche en Aménagement Paysager et Agriculture Urbaine Durable (CRAPAUD, donc.). On a eu la chance de visiter leurs potagers grâce à Dany qui nous a expliqué les actions de l’association.
Le CRAPAUD est impliqué dans un certain nombre de projets d’agriculture urbaine : des ruchers collectifs, de l’herboristerie, du compostage, l’école d’été sur l’agriculture urbaine… Avec un succès plutôt encourageant, même si le volontariat dans un milieu universitaire peine à être efficace (les étudiants ça fait plein de trucs, ça voyage, tout ça tout ça, donc difficile d’avoir une implication régulière pour mener le projets…)
Malgré ça, certains étudiants se bougent et mènent à bien des projets plutôt intéressant, c’est par exemple le cas du tout nouveau composteur qui a été construit cette été juste après notre visite:
Un composteur à compartiments plutôt malin puisqu’il permet d’éviter de retourner à la pelle la moitié du compost grâce à des parois amovibles. (photo envoyée par Dany)
Voilà, c’est fini pour le tour des acteurs associatifs de l’agriculture urbaine montréalaise, on se retrouve très vite avec la deuxième partie où on vous parlera des initiatives plus « entrepreneuriales » !
ça y est!J’ai tout lu MDR! C’est super intéressant!
Génial, merci de m’avoir permis de suivre votre voyage. Même si cet article « est un petit peu long » j’ai tout lu jusqu’au bout. Très intéressant. Merci à vous deux