La première chose qui choque en fait quand on fait du vélo aux US, c’est que c’est grand. Et quand c’est grand, on a de la place pour s’étendre et on peut donc se permettre de faire des grandes villes très étalées. Tellement étalées que par moment, on finit par se demander si on est encore « en ville », justement. Du coup, à force de traverser des villes américaines, on s’est mis à se poser plusieurs questions : Qu’est-ce qu’une ville ? Que peut-on qualifier d’urbain ? Et est-ce que c’est d’ailleurs vraiment la même chose ?
La ville : à chacun sa définition
On a tous une idée plus ou moins claire de ce qu’est une ville, mais il est toujours un peu difficile de dire ou ça commence et ou ça finit. Alors évidemment, quand on regarde la presqu’ile de Manhattan, on n’a pas trop de doutes. Mais, dans la plupart des quartiers résidentiels que l’on a pu traverser, on peut quand même vraiment commencer à se poser la question. Grandes maisons individuelles avec jardins, rues assez larges pour que quatre 4×4 (Ne lisez pas à haute voix, vous auriez l’air bête) aient la place de se croiser : ça fait quand même pas très urbain. Et pourtant, selon les critères américains, on est bien « en ville ».
Vue du balcon de notre hôte à Pittsburgh : le paysage au premier plan, c’est bien la ville ouais, on est pas au milieux des gratte-ciel mais c’est considéré comme « urbain ».
Pareil ici à Philadelphie où on est à moins de 10min à vélo du centre ville.
En France, on colle l’étiquette « ville » à toute commune de plus de 2000 habitants. Mais au Danemark, c’est 200 et au Japon 50 000. Je suis sûr que si vous y réfléchissez un peu, vous avez forcément en tête un exemple d’une commune de 3000 habitants près de chez vous dont vous vous dîtes « Nan mais attends, c’est clairement pas une ville ». Quantifier la population n’est donc pas un super critère de définition. La densité pourrait cependant l’être puisqu’elle est intrinsèquement liée à la hauteur des bâtiments.
Aux Etat-Unis, on différencie une ville d’une non-ville à travers la gouvernance. Ainsi, une« city » dispose d’un pouvoir décisionnel délégué par l’Etat, alors que les « town » et autres « village » n’en ont pas.
De manière générale, à travers le monde et les âges on peut définir une ville selon une belle palette d’autres critères : surface, statut, tradition, urbanité, niveau de ressources utilisées, système de transport propre, continuité.
Nous on aime bien la définition italienne qui se base sur les secteurs d’emploi de la population active : une commune dont la population active est majoritairement agricole n’est pas une ville. On pourrait donc presque définir l’agriculture urbaine comme étant de l’agriculture se situant dans une zone pas agricole. En bref, ça serait de l’agriculture là où elle n’a rien à y faire.
On aime tout autant l’explication par la continuité. Puisqu’on définit le rural comme les espaces cultivés habitées, si une ferme est en continuité avec d’autres fermes, alors elle est rurale. Si elle est entourée par une environnement non-agricole, alors elle est urbaine. On définit alors l’agriculture urbaine comme la culture de terres densément habitées, alors que le rural est l’habitation de zones densément cultivées. Vous suivez ?
En fait il conviendrait de différencier les termes « ville » et « urbain ». Même si étymologiquement, «urbain » est simplement l’adjectif qui se rapporte au substantif « ville », les deux termes ne semblent pas couvrir les mêmes réalités dans le langage courant. Derrière « urbain », on met aussi souvent un mode de vie et de fonctionnement, un type d’architecture et d’organisation de l’espace. A également déjà été proposé le concept de gradient d’urbanité basé – tenez-vous bien- sur « la diversité et la densité des objets de société ». Du coup c’est quoi un « objet de société » ? C’est un peu tout : les bâtiments, les poteaux, les voitures, les arrêts de bus, mais aussi les gens, les politiques, l’économie. En bref « plus il y a de trucs façonnés par la société humaine, plus c’est une ville ». On supprime donc la dichotome ville/ pas-ville pour la remplacer par une palette de nuance : « c’est plus ou moins une ville ».
Le terme « urbain » n’est pas vraiment clair non plus puisque si certains l’utilisent simplement pour caractériser ce qui se trouve à l’intérieur de la ville, d’autres qualifient d' »urbain » tout ce qui se trouve dans son entourage immédiat. Heureusement la langue française est pleine de ressources, et on a donc inventé le mot « péri-urbain » qui permet d’habilement contourner la question en définissant un espace de transition entre l’urbain et le rural.
Tout ça c’est bien joli, mais la finalité de cette réflexion, c’est surtout de se demander quand est-ce qu’une ferme est urbaine et quand est-ce qu’elle ne l’est pas. Nous n’entendons pas ici apporter une réelle réponse. On a ici un peu à faire à une question dont la réponse dépendra du point de vu de celui à qui on la pose. Mais il nous semble qu’un critère important réside dans l’objectif définitivement local qu’ont les fermes urbaines. La bonne question à se poser est donc : à qui profitent ces fermes ? Que ce soit par la baisse de l’insécurité alimentaire, les services environnementaux, l’éducation, la dynamisation de l’économie, les fermes et jardins urbains ont un commun des objectifs centrées sur leur entourage proche : le quartier, la communauté ou encore la commune.
De la même façon: peut-on encore qualifier » d urban art » un graffiti que l on trouve dans la foret de la Robertsau?
Très belle dissertation ! Je constate que les kms à vélo entretiennent les neurones !