Baltimore est notre deuxième ville d’étude après Philadelphie. Les événements ayant suivi la mort de Freddy Gray ont un peu perturbé notre planning, mais voici au moins un aperçu de ce que nous avons pu voir.
Big City Farms
Première exploitation mise en place par Big City Farms au sud de Baltimore, source : Big City Farms
Big City Farms (BCF) est une ferme commerciale fondée en 2010 et possédant trois sites à travers Baltimore. La photo ci-dessus montre leur premier site de production dans une zone industrielle du sud de Baltimore. Si la ferme a commencé lentement avec six serres, elle en possède aujourd’hui 18 autres et 30 nouvelles sont en construction. Comme vous pouvez le voir, c’est pas vraiment un joli jardin dans lequel emmener ses enfants le dimanche, mais on a ici affaire à un bel exemple de succès commercial d’une ferme urbaine.
Avec ses 8 employés à plein temps, BCF produit à longueur d’année salades, jeunes pousses et radis qui sont vendus directement à une quarantaine de restaurants locaux, ainsi que directement aux consommateurs via des marchés fermiers hebdomadaires, durant lesquels BCF se fond parmi les fermiers « classiques ».
BCF possède par ailleurs une certification « Certified Naturally Grown » (CNG) au même titre que des fermes rurales.
Un carton de laitue prêt à la livraison
Les objectifs sociaux
« Maintenant que nous commençons à être stables économiquement, nous pouvons nous permettre de développer des projets à objectifs sociaux« , nous explique Jaja, responsable technique des fermes. C’est ainsi qu’en partenariat avec un centre pénitencier, le troisième site de production devrait permettre la réinsertion d’anciens détenus en les employant à plein temps. Le deuxième site quant à lui, permet également à des particuliers en difficulté financière de produire des légumes que BCF s’engage à racheter à prix constant.
On notera cependant que la ferme n’est pour l’instant toujours pas rentable, mais ses dirigeants sont très confiants sur le fait de le devenir dans les toutes prochaines années.
La politique de la ville de Baltimore
De nombreuses villes américaines, comme Pittsburgh ou Detroit ont souffert de fin de l’ère industrielle. Fermeture d’usines, perte d’intérêt des investisseurs, on peut désormais y observer nombre de terrains laissés vacants. C’est le cas de la ville de Baltimore. Une aubaine pour l’agriculture urbaine, la mairie l’a bien compris.
Nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec des responsables de l’Office of Sustainability (Bureau de la durabilité), organe de la mairie responsables notamment des problématiques de l’agriculture urbaine et de l’alimentation. Et on doit bien dire qu’on a été assez impressionné par ce que l’on nous a montré. En 2009, Baltimore identifie l’agriculture urbaine comme une des clefs de son développement : remettre en état les terrains vacants et assurer la sécurité alimentaire dans les quartiers pauvres sont les deux priorités. De nombreux programmes ont donc été lancés pour à la fois, faciliter l’accès au foncier pour les futures fermes et assurer une chaine de production de qualité.
Au travers de sa politique Adopt-A-Lot (littéralement, « adopte un terrain »), la mairie de Baltimore permet à n’importe quel particulier ou association ayant un projet solide d’utiliser un terrain gratuitement et de se relier à l’eau courante pour la somme ridicule de 120$. Une aubaine pour implanter un jardin urbain, donc. La loi qui interdisait de posséder un élevage en ville pour des raisons sanitaires a été abrogée. La ville met enfin un point d’orgue au contrôle de la qualité des sols: un manuel de bonnes pratiques a notamment été réalisé et distribué, pour tester les sols aux éventuels polluants industriels qu’ils pourraient contenir.
Du coup, les résultats commencent à se faire sentir puisque de nombreux projets fleurissent à travers la ville: fermes commerciales tout comme jardin communautaire. Le bureau de la durabilité s’en félicite mais tiens quand même à nous rappeler que « si l’agriculture urbaine peut se développer ici, c’est parce qu’à la base la situation est désastreuse. On préfèrerait de pas avoir à le faire. »
Communauté et jardins communautaires
Aux Etats-Unis, on utilise beaucoup le terme « community » pour parler de la population d’un endroit donné, là ou un français parlerait probablement d’un « voisinage » ou des « gens du quartier ». Nous, on aime bien l’appellation et les valeurs de solidarité et de joyeuse camaraderie que les gens ont l’air de mettre derrière ici, donc on garde.
Si on vous parle de ça c’est pour vous raconter quelque chose que l’on a compris dans un entretien avec la Farm Alliance. La Farm Alliance est une organisation qui se voudrait l’équivalent d’une coopérative de l’agriculture classique, mais pour des fermes urbaines. Rassemblant 12 fermes de Baltimore, elle fournit un espace d’échange de connaissances et permet aux agriculteurs de mettre en commun du matériel et de faire des achats groupés.
Mais ce qui nous a un peu plus intéressé lors de cet entretien dans un vieux café de Baltimore, c’est de comprendre pourquoi certaines fermes communautaires ont du mal à prendre. Autrement dit, pourquoi la communauté ne se rend elle pas dans le jardin qui lui est destiné?
Il semblerait que la vague des jardins communautaires veuille parfois aller trop vite et que « jardin communautaire » ne veuille plus dire « jardin de la communauté » mais plutôt « jardin pour la communauté ». Une distinction qui n’a l’air de rien mais qui veut tout dire: « Parfois ce sont de riches blancs qui viennent monter des jardins communautaires dans des quartiers pauvres parce qu’ils estiment que c’est bien pour les gens qui habitent là. Et souvent dans ces cas là, les gens n’ont pas envie de venir » nous explique-t-on.
Nous sommes allés rapidement visiter un de ces jardins pour voir de quoi il en retournait. On nous a expliqué que « c’est dur de motiver les gens à faire des travaux manuels et fatigants ». C’est sûrement vrai mais on comprend tout de même que si un jardin n’est pas monté sur l’initiative de la communauté, celle-ci n’aura pas forcément envie de s’impliquer dans une activité qu’on lui impose.
Voilà pour Baltimore, la suite du programme se déroule à Washington DC où l’agriculture urbaine fait sa loi dans les ‘Food Deserts‘…
Pour BSF je me pose une question peut-être naïve…..la pollution sur les salades et les radis????Je vois que les plantations sont bâchées ceci explique peut-être cela!
Pour les jardins communautaires je comprends que si on IMPOSE cette démarche ça ne motive pas !
Je suis contente de vous lire.
Bonne continuation.
Pour ce qui est de la pollution en agriculture urbaine (question qui revient très souvent lorsqu’on parle de manger des fruits et légumes cultivés en ville) c’est une question complexe qui relève d’une impression que tout est pollué en ville.
On a pas la prétention de faire des recherches sérieuses et statistiquement valables, quelques groupes de recherche en AU s’y sont déjà intéressés et d’autres sont encore en train de conduire des études dessus.
Pour ce qu’on en sait pour le moment, la pollution des légumes en ville vient majoritairement de la pollution des sols (sols déjà pollués avant la mise en place du jardin) donc si on ne cultive pas dans ce sol pollué, la pollution est moindre. Proche d’un axe routier on imagine que cela peut poser problème, mais si on y réfléchit bien la « camapgne » regorge de routes qui passent entre des champs de céréales où à côté des plantations de maraîchers qui par ailleurs traitent souvent leur champs avec un certain nombre de produits. Bref, croire qu’un légume de la ville est plus sale qu’un légume de la « campagne » n’est peut être pas si évident que ça.
un peu de lecture sur la question : http://www.consoglobe.com/potagers-urbains-quels-risques-pollution-cg
à bientôt
Agrovelocity
Très intéressant votre reportage sur la ville de Baltimore, une ville visiblement où il y a une réelle réflexion et un engagement sur ces problèmes d’environnement et sur la manière de consommer différemment en incluant également dans tout cela une dimension sociale.
Le débat sur la communauté m’a renvoyé à un débat récent dans une de nos associations sur les modalités de fonctionnement de terrains qui ont été mis à notre disposition : jardin partagé mais qui fait quoi ? qui utilise quoi ? qui partage quoi ? bref ce ne fut pas évident et pas encore réglé à ce jour…
bonne continuation à vous deux
Et plus de photos pour illustrer? Ce peut être un compromis, si le montage est vraiment trop chronophage ou le materiel pas adapté , de bonnes photos c’est bien aussi., non?
Encore beaucoup de matière à réflexion dans cet article. L’idée de faire revivre une ville industriellement sinistrée par l’agriculture, tout en le regrettant ….Et le fait que les jardins créés par les « bobos » locaux n’emportent pas l’adhésion de la population du quartier.
Je vais voir les vidéos. Bonne suite.